Post-partum, 4ème trimestre de la grossesse

La période qui succède l’accouchement est appelée le post-partum. On l’appelle aussi post-natal ou encore quatrième trimestre de la grossesse. Il s’agit des semaines qui suivent la naissance et qui vont voir le bébé s’installer dans la vie de ses parents, dans la maison.

Souvent, c’est aussi le début de l’allaitement, plus ou moins facile.

Les rythmes de vie sont alors plutôt chaotiques, les nuits agitées, coupées, les repas fractionnés, le couple a bien du mal à se retrouver, les aînés quand il y en a sont perturbés. Chacun doit trouver sa nouvelle place.

Qu’est-ce qui se joue exactement?

  • Les nouvelles places à trouver puis adopter pour chacun dans le foyer
  • Les nouvelles habitudes à prendre pour intégrer chacun dans la nouvelle unité familiale
  • Le nouveau corps à accepter pour la mère « vide« 
  • Le nouvel environnement pour le bébé
  • Les nouvelles relations à nouer entre chaque membre de la famille
  • Les soins spécifiques pour le bébé à intégrer aux habitudes du quotidien

Tant de nouveautés, de facultés d’adaptation à mettre en œuvre, de trésors de patience pour accepter et avancer.

Non, ça ne ressemble pas vraiment aux jolies photos couleur layette où chacun est tout sourire que l’on croise dans les pages des magazines ou dans les séries TV, les films.

En être conscient-e-s, c’est pouvoir s’y préparer pour limiter les difficultés, envisager un maximum d’options pour se retourner si besoin et ne pas devoir faire preuve de trop d’imagination alors qu’on est harassé-e-s de fatigue.

Et si ça ne suffit pas?

Parce que oui, ça peut arriver, malgré toute la préparation du monde, le concours de chacun, on n’y parvient pas.

Quelle est la source du problème?

On ne s’accepte pas en tant que mère, on n’arrive pas à « s’attacher » à notre bébé, on ne prend pas plaisir à s’en occuper alors qu’on avait si hâte de le rencontrer, on ne comprend pas ce qui nous arrive, on a l’impression d’être « sur pause » alors que le reste, les autres, avancent.

Pour faire face tout de même, parce que ce n’est pas « normal« , que ça va sûrement passer, on sourit, on rit – alors qu’on crie, hurle, pleure à l’intérieur.

Se confier? Impossible, qui comprendrait…? Si on finit par s’y résoudre, les réponses sont « c’est les hormones, ça va aller », « c’est la fatigue, ça va aller », « c’est le changement, ça fait beaucoup mais t’inquiètes pas…ça va aller ».

Ça va aller… mais où va-t-on aller? Quand va-t-on y aller? Tout le monde vit-il cela après son accouchement? Pourquoi on ne m’en a pas parlé? Pourquoi on ne m’y a pas préparé-e?

Qu’est-ce qu’il se passe?

Physiologiquement, il est vrai qu’on assiste tout de suite après l’accouchement à une chute hormonale (les hormones de l’accouchement se retirent au profit de celles de l’allaitement, précisément les œstrogènes chutent brutalement). Il est vrai que depuis 9 mois et des bananes, le corps de la mère était plutôt dans une logique de croissance, là il faut arrêter cela et remettre le corps d’aplomb. Pas tout à fait comme avant hein! Le bassin est souvent élargi mais peut revenir, la poitrine se tend au fur et à mesure que la montée de lait arrive, le ventre est flagada, et peut-être y a-t-il  aussi cicatrice-s ou déchirure-s à réparer.

OK ça ça s’appelle le baby blues. C’est donc un phénomène tout à fait naturel, normal, qui touche jusqu’à 80% des mères, se traduit par un peu d’anxiété voire des crises de larmes passagères, de légers troubles de l’humeur. Cela dure de quelques heures à maxi 15 jours. Tout le monde en parle, c’est presque un « passage obligé ». Soit.

Si ça dure plus longtemps, qu’une vraie fatigue voire épuisement s’installe, qu’il y a de grosses difficultés à trouver le sommeil, un « souci » dans la relation avec le bébé, c’est peut-être autre chose.

La dépression du post-partum, la psychose puerpérale, des maladies de la psyché

La dépression du post-partum peut durer de quelques semaines à plusieurs années si elle n’est pas traitée. C’est un trouble qui prend naissance au moment de l’accouchement et qui ne touche pas que des mères aux antécédents psychiatriques. On établit (d’après les chiffres officiels, ce qui exclut tous les cas tus et/ou non diagnostiqués) qu’1/5 des mères seraient touchées.

Comme la dépression « classique », elle se traite avec des aides médicamenteuses voire un séjour en unité spécialisée (unité mère-enfant idéalement pour ne pas rompre le lien avec le bébé, en maternologie quand c’est possible) et un suivi psychologique. Dans les faits, le plus souvent la dépression du post-partum est traitée comme une dépression lambda alors que précisément, elle tire son origine de l’arrivée du bébé qui renforce la culpabilité ressentie, le sentiment de « ne pas être à la hauteur« . Ces mêmes circonstances camouflent aussi la maladie car la mère est »obligée » d’être active, pour s’occuper de son bébé, alors que sans lui elle serait peut-être apathique. Les passages à l’acte seraient aussi moins nombreux (d’après les statistiques mais qui ne sont peut-être pas fiables – qui sait vraiment pourquoi une femme s’est suicidée si sa dépression n’avait pas été diagnostiquée?).

Les symptômes sont les troubles du sommeil importants, l’état de nervosité, l’anxiété, les troubles de l’humeur, plus le goût à rien et un lien difficile à établir avec l’enfant.

Pour certaines, cette dépression peut aller jusqu’à des épisodes de psychose puerpérale avec des hallucinations visuelles et/ou auditives, des visions. Ces moments de folie passagère peuvent durer quelques heures ou jours. La mère perd alors totalement pied avec la réalité bien que des accès de lucidité la ramènent par instant.

Là, on ne recense qu’1 à 2 cas pour 1000. Ce qu’on craint c’est le passage à l’acte sur l’enfant. On la sépare alors en la plaçant en unité psychiatrique, on lui donne des traitements à base de neuroleptiques, un suivi très intense. Toutes ces mesures peuvent affoler l’entourage et décrédibiliser la mère. Le mieux serait que le passage en psychiatrie soit bref au privilège de l’unité mère-bébé et l’entourage sensibilisé. Cet état est surtout causé par l’extrême fatigue, l’épuisement nerveux. Cela n’enlève aucune compétence à la mère une fois remise, cela n’en fait pas une mauvaise mère. Elle restera toujours la plus apte à s’occuper de son bébé.

Plus tard…le burn-out parental

Il touche les parents qui visent l’excellence et…qui s’épuisent. Cela peut mettre plus de temps à arriver (le temps de s’épuiser). Mais derrière il peut y avoir aussi quelque chose à résoudre: pourquoi je me fixe un objectif si élevé? La société m’y pousse? Mon-ma conjoint-e? Ma famille? Suis-je en train de vouloir faire mieux que quelqu’un? Ou à combler un vide que j’ai subi au contraire?

Dans tous les cas, on est décentré-e puisque ce qui se joue n’implique pas le bébé mais le parent lui-même qui s’acharne à vouloir atteindre la perfection au détriment de son bien-être avec son enfant. Il peut donc y avoir un travail à faire mais pas forcément. Parfois, il suffit de s’entendre dire que viser le 12/20 suffit pour avoir juste la moyenne, pour faire ce qui est nécessaire. Le 18/20 lui n’apportera rien de plus, aucun médaille n’est décernée. De plus, les erreurs sont bénéfiques, le bébé apprend et ses parents aussi! Rappelez-vous de la mère suffisamment bonne de Winnicott 🙂

La difficulté maternelle…c’est quoi?

Dans tout cela, il y a aussi la difficulté maternelle. Ce n’est pas un terme médical mais plutôt une notion définissant l’état de la mère qui a du mal à « être mère », « se sentir mère » de son enfant qui vient de naître. Ce sentiment peut naître pendant la grossesse ou à la naissance de l’enfant. La mère est en hyper-vigilance, dort peu voire pas, ne parvient pas à lâcher-prise pour se réconforter, se réassurer. Elle a un réel sentiment de mal-être, ne se sent pas à sa place, pas utile pour le bébé, n’arrive pas à se connecter à lui. Elle a du mal à prendre soin de lui ou au contraire est dans une application extrême, elle exécute plutôt que vit.

Cet effondrement psychique naît de la difficulté à trouver sa place de mère de cet enfant. Il peut y avoir un regret de la grossesse, une recherche de reconnaissance constant de ce nouveau statut, de ces nouvelles compétences.

Si la mère reste isolée, que personne ne la soutient, l’accompagne, la légitime, la réconforte dans son rôle de mère, cela peut déclencher une dépression du post-partum, une psychose,…

Cette difficulté maternelle provient d’après les spécialistes qui s’y sont penchés, d’un effondrement vécu dans l’enfance. Il peut surgir pour un 2ème ou 3ème enfant alors que jusque là, tout s’est bien passé. Ce qui prouve bien qu’il s’agit d’un trouble lié à la situation de devenir mère de cet enfant en particulier.

La raison de cet effondrement n’incombe à personne, il n’y a pas de culpabilité à y avoir ni de coupable à chercher. Il s’agit simplement d’une façon de devenir mère plus difficile, plus longue, plus coûteuse (en énergie, patience, travail sur soi,…) pour la mère et pour l’entourage aussi. On peut mettre deux ans à s’en remettre et se sentir enfin mère de son enfant. Un accouchement traumatique ou non, une grossesse idéale ou non, un parcours de PMA ou non, une naissance par voie basse ou césarienne, une adoption, tous les cas peuvent être susceptibles d’être concernés. Les antécédents psychologiques ou psychiatriques, un niveau d’études bas, la précarité ne sont pas des viviers plus favorables à cette difficulté maternelle. Tout le monde peut être concerné.

Le docteur Jean-Marie Delassus a beaucoup travaillé sur cette notion d’effondrement, c’est d’ailleurs lui qui a fondé la première unité de maternologie à Saint-Cyr-l’Ecole et la discipline-même de maternologie. L’association Maman Blues informe sur la difficulté maternelle et soutient les mères en mettant à disposition un forum anonyme, des relais téléphoniques, un annuaire de professionnels.

Et les pères, l’autre partenaire?

Une dépression chez la mère correspond à 50% de risques de plus pour le-la conjoint-e d’en développer une à son tour. Pourquoi? La compensation pendant que la mère allait mal a pu causer de l’épuisement physique et nerveux et enclencher le processus. Les remises en questions inhérentes à la baisse de moral ont pu réveiller des souffrances enfouies dans le couple ou directement chez l’autre.

Il s’agit donc de supporter la mère ET son-sa partenaire. Tout le foyer est concerné par l’arrivée d’un bébé et c’est tout le village qui doit se mobiliser pour les soutenir. Cela inclut évidemment le-s aîné-s qui peuvent aussi mal vivre cette arrivée ou tout autre membre de la famille.

Pourquoi je vous explique tout ça?

 

  • Les mères: parlez, demandez de l’aide, vous n’êtes pas seules, ce que vous vivez a été vécu par d’autres, la maternité est un moment de remaniement psychique lourd qui peut causer de véritables ouragans, n’ayez pas honte ou peur, vous êtes mères, vous êtes fortes mais vous avez aussi le droit d’être aidées, aimées, soutenues quand c’est nécessaire.
  • Les partenaires: supporter votre femme n’est pas toujours simple et être seul-e n’est pas toujours suffisant même avec tout l’amour de l’univers. Demandez, échangez, vous avez le droit, ce n’est pas un échec, c’est une preuve d’intelligence, de foi en l’autre. Ne culpabilisez pas non plus votre femme, qui est victime de son état. Croyez en elle, en vous, en votre famille. On peut mettre plus de temps à trouver ses repères mais ça ne nous rend pas moins aptes. Vos mots auront toujours plus de poids que ceux de n’importe quel spécialiste alors mesurez-les 🙂
  • L’entourage, le village: soyez présents pour cette famille, ne venez pas que pour pouponner, venez soutenir, vous occuper de la lessive, de la vaisselle, donner de votre temps en écoutant sans juger ni donner de conseils. Aimez, choyez, soutenez et montrez que vous êtes fier-e-s de cette nouvelle famille. C’est le mieux que vous puissiez faire.

On recommande de plus en plus aux mères de se reposer, de créer du lien avec leur bébé pendant le 4ème trimestre de la grossesse. C’est le plus souvent le meilleur remède pour que tout se passe bien. Ceci étant, quand vous sentez que ça ne va pas, dites-le! Ça n’ira peut-être pas mieux mais au moins vous ne serez plus seule-s et vous serez soutenue-s pour que peut-être ça n’aille pas encore moins bien. On parle peu de tout cela, de quand ça ne va pas alors que c’est tout aussi normal. Vous êtes formidable-s mais parfois il suffit juste que vous l’entendiez une fois de plus pour que vous vous en souveniez, trouviez la force de faire le pas de plus… 😉

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