Pression maternelle et parentale

Allaiter ou ne pas allaiter? Peu d’écart entre les enfants ou prendre plus de temps? Parentalité bienveillante, créative ou traditionnelle? Reprendre le travail tôt ou prendre un congé parental d’éducation? Accoucher dans l’eau, sans analgésie péridurale ou avec? Faire des enfants tôt ou attendre d’avancer dans sa carrière?

Tant de questions qui jalonnent la vie des femmes, des couples. Mais qu’entend-on par « tôt »? Qu’est-ce qui est vraiment « bienveillant »? Pour qui faut-il être bienveillant? Pourquoi? Quels bienfaits allaiter a-t-il si c’est à contrecœur? Et le congé parental s’il est subi? N’y a-t-il pas un risque de traumatisme avec un accouchement sans analgésie péridurale alors qu’elle est ardemment désirée?

Il y a tant de pression exercée par la société sur les sujets pourtant si intimes de la parentalité et de la maternité. Des phrases comme « si j’étais toi… », « quand c’était moi.. », « de mon temps… », « à ta place… » et autres sont en réalité dévastatrices.

Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas demander de l’aide, cela signifie simplement que bien souvent cette « aide » est offerte à tout bout de champ et n’en est pas vraiment.

En effet, quand une personne, toute pétrie de bonnes intentions vous propose une phrase du type « si j’étais toi…je ne lui donnerais pas tout le temps le sein » (par exemple), cela lui permet de se sentir experte face à vous qui débutez dans votre rôle de maman ou qui potentiellement (ou seulement de son point de vue) manquez de « bon sens » à cause de la fatigue des premiers temps ou des hormones (à ces hormones…!). Ou… pour n’importe quel autre motif qu’elle juge suffisant pour s’octroyer le droit de vous donner son point de vue sans forcément que vous ne l’ayez demandé.

Les conséquences d’une telle intervention?

Vous plonger dans de nouvelles interrogations, remettre en cause vos compétences de mère, et surtout si vous l’écoutez et que votre bébé ne prend pas assez de poids, a des maux de ventre ou tout autre désagrément que peut vivre un bébé, vous pousser à redemander de l’aide à cette personne qui sera encore plus confortée dans son rôle d’experte et votre sentiment d’incompétence s’en trouvera renforcé. L’ennui dans tout ça c’est surtout que cette personne peut aussi ne pas vous donner les bons conseils et son intervention en deviendrait nuisible.

En l’occurrence, préconiser de ne pas donner le sein à la demande n’est pas un bon conseil. Précisément cela va à l’encontre des recommandations de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé): donner le sein à la demande et exclusivement les 6 premiers mois puis jusqu’aux deux ans de l’enfant minimum. C’est aussi, en dehors des bienfaits prônés par l’OMS, un des meilleurs moyens d’entretenir sa lactation.

Et si on n’a pas envie de suivre les recommandations officielles qui elles sont bénéfiques pour mon bébé/pour moi?

Alors l’OMS c’est bien beau me direz-vous mais bon ça ne correspond pas toujours à nos envies et possibilités du quotidien. C’est sûr.

Du coup…  on se sent coupable! Par exemple pour les fumeuses qui n’arrêtent pas de fumer pendant leur grossesse malgré toutes les campagnes de communication et les études qui démontrent la nocivité de la nicotine et des produits contenus dans la cigarette pour la mère qui les transmet à son bébé via le placenta. Non ces mamans ne veulent pas nuire à leur bébé, c’est juste que leur addiction au tabac est plus forte. Qui est-on pour juger cela?

Les études* prouvent que réduire le nombre de cigarettes (même moins de 5 par jour) ne suffit pas à supprimer les risques de faible poids à la naissance par exemple. Ce sont des informations faciles à trouver qu’il n’est même pas nécessaire de chercher. Les mamans fumeuses vivent donc aussi avec la culpabilité, le regard jugeant des autres. Parfois, même leur conjoint n’apporte pas le soutien nécessaire. Aussi, comme pour tout comportement addictif, le mieux est de consulter un spécialiste, addictologue, voire idéalement un tabacologue, qui va soutenir, écouter la mère et lui proposer au jour le jour, des solutions pour une consommation la moins nocive possible.

L’information est communiquée mais avec un jugement. Le soutien en revanche n’est pas toujours là. Pourquoi ne pas être ce soutien?

Et l’allaitement?

Il est indéniable qu’il est le plus beau cadeau que vous puissiez faire à votre enfant, sur le plan de la nutrition, de l’immunité, du risque allergique, de la prévention (maladies chroniques et infectieuses, diarrhées, pneumonies, risques de cancers ovariens et mammaires chez la mère*²). Néanmoins, cela reste un don de soi (au sens physique et psychique) puisque la mère se pose souvent beaucoup de questions (ce que ne faisaient pas les mères d’il y a cinquante ans pour qui « cela coulait de source »). C’est aussi un élément à intégrer à la vie de couple car le sein est sexualisé, la relation intime entre les deux partenaires peut alors s’en trouver perturbée.

En réalité, pour l’allaitement aussi il est question de préparation, d’information, de communication et de soutien de professionnels qualifiés et surtout en qui l’on a confiance. Mais là également, le point de départ est le choix de la mère, des parents.

Mieux vaut donner le biberon avec plaisir que le sein avec réticence. De toute façon, un allaitement non désiré est pour ainsi dire voué à l’échec. L’ocytocine, hormone de l’amour, de l’attachement, permet d’éjecter le lait lors de l’allaitement et n’est générée que dans des conditions de détente, de confort, de chaleur, de confiance et non dans un climat de soumission, de répugnance ou de contrainte.

Effets de mode ou véritable revirement sociétal?

Les effets de mode sont tout aussi dévastateurs car ils submergent d’informations pas toujours fiables et induisent inévitablement des jugements envers ceux qui précisément ne « suivent pas ». Les couches lavables, la parentalité bienveillante, le cododo, les pédagogies Montessori et Loczy, les accouchements dits « naturels » sans intervention, sans médication, les moyens de portage type écharpe … Vous avez déjà croisé au moins un de ces concepts pour peu que vous attendiez un bébé ou soyez déjà parent. Des « coachs » fleurissent de toute part pour donner des cours, des conseils (encore!) afin de maîtriser au mieux ces nouvelles méthodes révolutionnaires bien plus respectueuses du développement de l’enfant.

Je ne sous-entends pas ici que ces concepts n’ont pas en effet des répercussions bénéfiques sur l’enfant, seulement il peut être important de constater que la plupart d’entre eux n’ont rien de novateur. Ils sont simplement inspirés de ce qui se faisait avant l’industrialisation de masse et la naissance de notre société de consommation où tout est disponible tout le temps et immédiatement sans le moindre effort. Ne dit-on pas que c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes?

Là encore, plutôt que de voir ces concepts comme dogmatiques, ou au contraire comme étant l’expression d’une minorité originale, pourquoi ne pas simplement les prendre pour ce qu’ils sont: des outils à votre disposition que vous pouvez essayer, adopter ou laisser tomber? Il ne tient alors qu’à vous de vous renseigner, de participer à des ateliers quand il y en a près de chez vous, d’en discuter avec des parents qui utilisent ces outils,… pour choisir si vous allez en devenir adepte ou non.

Et donc…

Ce qui fait la richesse de notre société, c’est précisément l’individualité de chacun, sa capacité de choix, sa personnalité. Je le dis presque à chaque article mais la clé est toujours la même: écoutez-vous, faites-vous confiance, vous seul-e-s savez ce que vous êtes prêt-e-s à faire, comment et pour combien de temps pour votre bien-être et celui de votre-vos enfant-s.

Votre partenaire est votre meilleur allié-e et à deux, vous êtes en mesure de chercher d’autres soutiens de qualité (familiaux, amicaux, professionnels). Personne ne peut se targuer de vous donner des conseils car vous serez les seul-e-s à en assumer les conséquences, vous devez donc être les seul-e-s décisionnaires. Et les conseils restent des conseils, ce ne sont pas ordres, aucune pression ne doit donc en résulter, que ledit conseil soit suivi ou non.

A l’heure des repas en famille, à bon entendeur… 😉

 

 

*https://www.francetvinfo.fr/sante/drogue-addictions/lutte-contre-le-tabagisme/grossesse-et-tabac-meme-une-tres-faible-consommation-tabagique-reduit-le-poids-de-naissance-d-un-bebe_2143916.html

https://www.who.int/maternal_child_adolescent/topics/child/nutrition/breastfeeding/fr/

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *